Si l’on était tenté de figer la peinture de Marie Behier, de la classer en catégories repérables – abstractions, paysages et pourquoi pas herbiers ? -, on y renoncerait vite.
Bien sur le motif est lisible, l’eau intensément présente, les constructions repérables. Car au fond, tout chez elle est paysage…
Mais alors pourquoi ces trois bateaux volent-ils dans le ciel, au pied d’une cascade ? A-t-on jamais vu un lac se troubler en nuages ?
Il va falloir sentir autrement, glisser dans le monde de Marie où ce motif géométrique mime l’oursin, où cette étroite bande latérale de gratte-ciels peut bien être un mur de roches en bord de mer, où cette frise graphique joue l’architecture d’un portail d’église…quoi encore ?
On renoncera bientôt à définir et contraindre au sens unique cet art libre. Mais on ne renoncera pas aux variations sensibles qu’il convoque en nous. Ce qui court et frémit, à travers ces formats et compositions parfois insolites, c’est une intuition à vif et une main très sûre. Une main d’artiste-artisane qui mêle, en leitmotivs, techniques diverses et matériaux secrets, la poudre de marbre craquelée ou les encres au bout d’un calame. Ce qui émeut, c’est justement ce tremblement de réalité, ce charme où parfois s’inquiète le décor. Comme chez Victor Hugo dont les encres mettaient au ciel une ombre fantastique.
Avec Marie Behier, mieux vaut donc laisser la logique au rivage. Et embarquer dans l’entre-deux des émotions, là où la peinture nous donne des joies autres que quotidiennes.